L’évolution des prétentions au stade de l’appel est circonscrite au principe et exceptions visées par les articles 564 et suivants du Code de procédure civile.
Ainsi, l’article 564 du code de procédure civile prévoit que :
« A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. ».
D’autres exceptions figurent par ailleurs aux articles 565, 566 et 567 du même code et vise d’autres situations particulières permettant ainsi aux plaideurs de former de nouvelles demandes si elles ont été notifiées à la cour dans les délais visés par les articles 905-2 (procédure à bref délai) ou des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile (procédure ordinaire).
Dans le cadre des procédures avec représentation obligatoire – que la procédure soit ordinaire ou à bref délai – des dispositions textuelles spéciales du code de procédure civile limitent quant à elles la possibilité pour les parties de faire évoluer les prétentions des parties au cours de l’instance d’appel.
En effet, par un décret n°2017-891 du 17 mai 2017 (entré en vigueur au 1er septembre 2017) le pouvoir réglementaire a instauré un nouveau principe de concentration des prétentions des moyens en cours d’appel, ceci dans l’objectif principal d’accélérer le prononcé des décisions rendues en appel.
Bien que l’objectif n’ait aucunement été atteint, l’article 910-4 du code de procédure civile prévoit aujourd’hui que :
« A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
A la lecture de cet article, il est permis de constater que l’alinéa 1er de l’article 910-4 instaure donc un principe d’irrecevabilité des nouvelles demandes élevées au cours de l’instance d’appel sous les réserves prévues à l’alinéa 2, qui prévoit leur recevabilité dès lors que les prétentions sont « destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions ».
Par un arrêt du 9 juin 2022, la cour de cassation est venue répondre à la question de savoir dans quelle mesure l’évolution des prétentions par les plaideurs demeure permise, au regard des dispositions de l’article 910-4 du CPC, dans une affaire relative à un partage successoral où de nouvelles demandes en rapport successoral avaient été élevées après dépôt de premières conclusions et après expiration des délais visées aux article 908 à 910 du même code.
La cour d’appel de Rennes avait déclaré irrecevables les nouvelles demandes en rapport successoral formées par un cohéritier, en s’appuyant sur l’absence de survenance ou de révélation d’un fait postérieur visé par l’alinéa 2 de l’article 910-4 du code de procédure civile et que celles-ci avaient été déposées et notifiées à un moment où la partie ne pouvait plus former appel incident (articles 909 et 910 du code de procédure civile).
La cour de cassation censure l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes, rappelant qu’en matière de partage les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif et que de nouvelles demandes en rapport successoral ont trait au partage de l’indivision successorale si bien qu’elles doivent s’analyser comme une défense à une prétention adverse excluant ainsi toute irrecevabilité au sens de l’article 910-4 alinéa 2 du code de procédure civile.
La haute juridiction reprend ainsi, pour l’application de l’article 910-4, la construction jurisprudentielle élaborée depuis des décennies en matière de partage judiciaire pour l’application de l’article 564 du code de procédure civile susvisé.
Réfs. : Cass. civ 1ère, 9 juin 2022, n°20-20.688, à paraître au bulletin.
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Maître Romain JIMENEZ-MONTES, Avocat associé.